Premier prix du concours photo de la Fondation Krys.
Lauréate du concours photo « À chacun sa couleur ».
Premier prix « International Photography Award » à New York, catégorie « Lifestyle ».
Lauréate du concours « Regards croisés, Saint-Germain des Prés ».

Voici un aperçu de la liste des prix remportés depuis deux ans par Karine Malatier. Scènes de vie ou portraits tout en humanité et en noir et blanc sobre, ses photos émeuvent.

Actuellement, Karine Malatier propose à Lyon, Galerie Françoise Souchaud, une exposition intitulée « Une étoile brille sur le Sénégal ». Titre en clin d’oeil, pour rappeler le nom de l’association « Un sourire à une étoile » fondée en 2010 et qu’elle co-préside avec une amie. L’étoile, c’est celle du drapeau du Sénégal, et le sourire, c’est celui des petites filles de l’orphelinat de Dakar (appelé joliment Le Nid) qui fonctionne grâce aux fonds récoltés par l’association.

Un beau projet, donc, et aussi de superbes images. Entre son activité professionnelle et sa passion pour la photographie, Karine Malatier nous consacre un moment. Rencontre avec Karine Malatier pour tenter de cerner ce qui fait d’elle une étoile du noir et blanc.

TiragesPro :
Votre exposition à Lyon regroupe des photos prises au Sénégal. Un pays que vous semblez bien connaitre ?

Karine Malatier :
En effet, j’ai connu le Sénégal grâce à une amie. Le pays m’a plu d’emblée : la lumière, les couleurs, les gens. J’y suis retournée et je m’y rends maintenant très régulièrement, pour l’association le plus souvent. C’est un pays que j’aime beaucoup. Pas pour les paysages, mais pour les gens. La situation politique est relativement stable et la population a dans l’ensemble un bon niveau d’éducation. La religion, que ce soit l’islam ou le catholicisme, n’est pas un obstacle, les habitants sont gentils, ouverts et on peut facilement discuter avec eux et les prendre en photo.

Beaucoup de portraits sont pris dans des associations d’enfants ou dans Le Nid à Dakar. Nous avons ouvert cette maison de vie pour les petites filles sans parents, mais également pour celles dont la famille n’est pas en mesure de leur assurer un avenir. Le Sénégal n’est pas un pays très riche. Nous avons choisi de n’avoir que des filles pour éviter les soucis à l’adolescence lorsque filles et garçons sont mélangés, mais également car ce sont les femmes qui, si elles deviennent mères, éduquent les enfants. Elles ont un rôle de transmission pour les valeurs, la culture…

 

TiragesPro :
Vous mettez l’accent sur la relation avec les gens, comment travaillez-vous lors des prises de vue ?

Karine Malatier :
Même si je ne dédaigne pas les clichés « volés » ou les instants pris sur le vif, ce n’est pas mon but. Je préfère privilégier la relation et l’émotion. Pour les portraits, je commence par m’approcher des gens, par leur parler, leur demander l’autorisation de les prendre en photo. Lorsque le contact est établi, qu’on a discuté cinq ou dix minutes, ils oublient l’appareil et redeviennent naturels. C’est là qu’il faut saisir le moment, l’expression, l’émotion.

Dans ce but, je me suis équipée d’un matériel adapté. Je fais des photos depuis longtemps, très longtemps. À dix ans, j’avais ces choses avec des flashs cubes avec quatre faces qui faisaient « Pouffff » en se consumant… Le résultat était horrible, mais ça me plaisait. J’ai persévéré et le matériel a évolué avec moi. Depuis trois ou quatre ans, j’ai un peu plus de temps et j’ai investi dans un bon appareil. Avant j’avais un Nikon D700, et maintenant, un D3S, toujours chez Nikon. J’ai même pris des cours techniques pour apprendre à m’en servir. Quand on fait les choses, autant les faire bien ! C’est un gros appareil lourd, mais c’est ce que je préfère au niveau de la prise en main. Dessus, j’ai le plus souvent un 70-200 et je travaille souvent au 200. Ça me permet d’avoir une certaine distance par rapport à la personne pour saisir les détails du visage, du regard et des expressions sans la déstabiliser. Je peux ainsi rester dans l’émotion. Mais même lorsque je n’ai pas prévu une séance de prise de vue, j’ai toujours un petit Leica dans mon sac pour les situations d’urgences, quand une photo ne peut pas attendre !

Ensuite, pour le développement devant l’ordinateur, je ne passe pas beaucoup de temps. Il y a bien sur le tri, mais les masquages et ce genre de choses, je n’en fais qu’exceptionnellement. Dans la plupart des cas, je me contente d’ajuster un peu le contraste, l’éclat, la lumière, et bien sûr, de faire le passage de la couleur au noir et blanc puisque tous mes fichiers sont en RAW. La technique, principalement l’éclairage, et l’émotion sont deux choses très difficiles à capter en même temps.

 

TiragesPro :
Vous ne travaillez qu’en noir et blanc ?

Karine Malatier :
Presque exclusivement. Je trouve que la couleur est subjective, qu’elle nuit à l’émotion. Elle influence. On a ses couleurs préférées, celles qu’on n’aime pas, les couleurs froides, les chaudes, on les associe sans s’en rendre compte à des sentiments, on s’y perd. J’aime la sobriété du noir et blanc, il n’y a pas de chichis, le regard est aigu, aiguisé. Celui du sujet, comme celui du spectateur. Le rapport à l’image est alors plus simple, plus direct et plus profond.

Par exemple, la photo de ma petite nièce à la sortie de l’école au Sénégal. En couleur, c’est le rose « bonbon » des uniformes des enfants qui frappe en premier. Lorsque je montre cette photo en version couleur, c’est la dominante rose qui retient l’attention. Alors qu’en noir et blanc, le regard est attiré par le contraste et détecte immédiatement le visage blanc parmi tous les visages noirs.

J’aime la simplicité du noir et blanc, c’est la même chose pour la mise en scène, je ne cherche pas à mettre trop de choses dans une image, des arrière-plans, des compositions avec beaucoup de détails à découvrir, comme chez Helmut Newton par exemple.

 

TiragesPro :
Vous citez Helmut Newton, êtes-vous influencée par un photographe en particulier ?

Karine Malatier :
Je n’ai pas de modèle, de photographe dont j’essaierai d’imiter le travail. Mais il y a bien sûr des auteurs que j’aime plus que d’autres, sans pour autant avoir envie de les copier. Je pourrais vous citer par exemple Alice Springs. Je trouve que les photographes femmes offrent une émotion plus globale. Mais j’apprécie également Depardon, Doisneau, Willy Ronis, Cartier-Bresson, …

Un photographe que j’aurais aimé être, c’est peut-être Sebastião Salgado. Mon travail va souvent dans la même direction que le sien. J’ai été tentée de l’imiter pour son côté sépia, mais finalement, le résultat était trop … sépia. C’était sur la photo de l’homme sous la tente. Finalement j’ai juste désaturé fortement l’image en couleur.

 

TiragesPro :
Au chapitre des essais, n’avez-vous jamais été tentée par d’autres styles de photo ? Paysages, photo de nature ?

Karine Malatier :
La photo de paysage ne me tente pas du tout, il me manquerait le regard des gens, l’émotion du moment de vie. Il y a bien sûr de l’émotion dans un paysage, mais  tout n’est pas retransmissible sur une photo : les odeurs, la chaleur, le vent, le contexte dans lequel on se trouve… Ça ne passe pas. C’est comme la macro, sympa à voir, pas à faire. Je serai peut-être tentée par la photo animalière, par exemple les grands singes en Ouganda, ça m’interresserait.

Pour moi, la photo raconte une rencontre avec des gens, c’est un témoignage. Une seule photo peut suffire à résumer tout un voyage, à remplacer beaucoup de mots.

Cependant, je ne me contente pas des portraits. Dans l’expo de Lyon par exemple, la photo de couverture du catalogue représente une mosquée, mais elle me plait par son côté graphique, c’est un lieu de rencontre, les femmes à la fenêtre sont décontractées, parfait pour une couverture. J’ai hésité avec une autre photo, une barrière ouverte avec un stop rouillé à la frontière entre le Sénégal et la Mauritanie, ça symbolisait l’ouverture.

Le temps manque pour tout essayer.

 

TiragesPro :
Comment vivez-vous le rapport « photo-boulot », puisque vous n’êtes pas photographe professionnelle ?

Karine Malatier :
Ce n’est pas toujours simple, le temps est le gros problème. Mais je n’exclu pas de faire de la photo mon métier, ça viendra peut-être par la force des choses pour pouvoir vendre des tirages, … Il faut pouvoir en vivre.

Passer pro n’est pas mon but. Je voudrai pouvoir en vivre, mais sans être obligée de faire des compromis, de traiter des sujets qui ne m’intéressent pas pour des questions d’argent. En ce moment mon regard est plus serein, je n’ai pas de contrainte financière en tête quand je photographie, ça correspond mieux à mon approche, je ne cherche pas la reconnaissance à tout prix, juste à partager une certaine approche des autres, une sorte de philosophie.

En dehors des contraintes de temps, avec mon « vrai » métier à côté, j’ai une réelle liberté de choix quant aux sujets que je veux traiter et quant à la manière de le faire.

 

TiragesPro :
Avez-vous déjà une autre idée en tête après cette superbe exposition sur le Sénégal ?

Karine Malatier :
Rien de très précis. J’ai récemment essayé la prise de vue en studio avec des artistes. Même si c’est moins spontané, je ne pensais pas y prendre autant de plaisir. On peut faire ressortir les traits d’une personnalité. Pour ça, je préfère les sujets qui ont une « gueule », des rides, … C’est un travail plus centré sur la personne, moins sur l’émotion. J’aime changer, essayer. Et travailler sur la technique de l’éclairage apporte aussi beaucoup pour la maîtrise de la lumière en extérieur. Maîtriser la technique permet alors de se concentrer sur l’essentiel : l’émotion. Ça permet à la photo de raconter des moments de vie, de parler en silence.

 

TiragesPro :
Merci Karine Malatier pour votre disponibilité.

Pour voir l’exposition « Une étoile brille sur le Sénégal », rendez-vous du 8 septembre au 13 octobre 2012, galerie Françoise Souchaud, 35 rue Burdeau à Lyon.

Karine Malatier a choisi des tirages pigmentaires HDR sur papier Hahnemühle Photo Rag Satin, 100% coton. Les grands formats s’exposent en contrecollage sur Dibond, les formats carrés en caisse américaine noire. Sur les murs tantôt blancs, tantôt rouges de cette galerie où les pierres nues ont également leur place, le résultat, pour l’avoir vu, est des plus flatteurs. À ne surtout pas manquer !

Et pour ceux qui n’auront pas eu la possibilité de s’y déplacer, vous pouvez retrouver Karine Malatier sur son site : www.karinemalatier.com

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